Les médias, aujourd’hui
Dans bon nombre de milieux, les griefs s’accumulent à l’endroit des grands médias des sociétés occidentales. Typiquement, on leur reproche de se livrer à une course à l’audimat qui les entraîne de plus en plus bas sur la dangereuse pente de la démagogie et du sensationnalisme. Je pense que de telles accusations sont largement fondées et il serait inutile de s’appesantir ici sur les effets de productions médiatiques engagées dans cette voie aussi bien sur l’information citoyenne que sur le développement de la pensée critique. Carl Sagan remarquait ainsi que si la plupart des journaux publient quotidiennement des horoscopes, bien peu ont, en revanche, ne seraitce qu’hebdomadairement, une chronique consacrée à la science.
Et pourtant, ayant convenu de cela, je pense qu’on n’a rien dit de l’essentiel. Car le plus grave ce n’est pas ce fait, prévisible, que nos grands médias deviennent de plus en plus des acteurs de la grande mise en scène de la société du spectacle et qu’ils assument par là des fonctions de divertissement, voire de diversion, que l’on ne connaît que trop bien. Non. Le plus grave c’est qu’en tant qu’outils politiques fondamentaux d’élaboration d’un espace public de discussion, ils soient en passe de renoncer à cette tâche pour ne plus exercer qu’une fonction de propagande. Pour le dire autrement: s’il est vrai que le fait que la télévision verse de plus en plus dans le reality show et autres spectaculaires stupidités n’a rien de réjouissant, la véritable tragédie se joue désormais chaque soir, au téléjournal. Et cellelà n’est que rarement évoquée.
À ma connaissance, Edward Herman et Noam Chomsky ont mené à ce sujet les travaux les plus concluants et les plus importants. Selon eux, les médias sont en quelque sorte surdéterminés par un certain nombre d'éléments structurels et institutionnels qui conditionnent — certes non pas entièrement, mais du moins très largement — le type de représentation du réel qui y est proposé ainsi que les valeurs, les normes et les perceptions qui y sont promues. Plus concrètement, ces chercheurs ont proposé un modèle selon lequel les médias remplissent, dans une très grande mesure,
une fonction propagandiste au sein de nos sociétés. Selon cette analyse, les médias “servent à mobiliser des appuis en faveur des intérêts particuliers qui dominent les activités de l'État et celles du secteur privé; leurs choix, insistances et omissions peuvent être au mieux compris — et parfois même compris de manière exemplaire et avec une clarté saisissante — lorsqu'ils sont analysés en ces termes”.
Ce modèle propagandiste pose un certain nombre de filtres comme autant d'éléments surdéterminant la production médiatique qui suggère une “dichotomisation systématique et hautement politique de la couverture médiatique, qui est fonction des intérêts des principaux pouvoirs nationaux. Ceci devrait se vérifier en observant le choix des sujets qui sont traités ainsi que l'ampleur et la qualité de leur couverture”. Partant de là, ce modèle autorise des prédictions, et il s'agit dès lors de déterminer si les observations s'y conforment ou non.

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