LA DERNIÈRE CLASSE《最后一课》胡适(译)

2021-09-27 15:24:00  lundi  都德 16676 mots  

著者都德生於西曆千八百四十年,卒於千八百九十七年,為法國近代文章鉅子之一。
當西曆千八百七十年,法國與普魯士國開釁,法人大敗,普軍盡據法之東境;明年進圍法京巴黎,破之。和議成,法人賠款五千兆弗郎,給合華銀二千兆元,蓋五倍於吾國庚子賠款云。賠款之外,復割阿色司、娜戀兩省之地以與普國。此篇托為阿色司省一小學生之語氣,寫割地之慘,以激揚法人愛國之心。

—— 胡适 民國元年九月記於美國

1. 法文版

LA DERNIÈRE CLASSE

(récit d’un petit alsacien)

Ce matin-là, j’étais très en retard pour aller à l’école, et j’avais grand-peur d’être grondé, d’autant que M. Hamel nous avait dit qu’il nous interrogerait sur les participes, et je n’en savais pas le premier mot. Un moment l’idée me vint de manquer la classe et de prendre ma course à travers champs.

Le temps était si chaud, si clair !

On entendait les merles siffler à la lisière du bois, et dans le pré Rippert, derrière la scierie, les Prussiens qui faisaient l’exercice. Tout cela me tentait bien plus que la règle des participes ; mais j’eus la force de résister, et je courus bien vite vers l’école.

En passant devant la mairie, je vis qu’il y avait du monde arrêté près du petit grillage aux affiches. Depuis deux ans, c’est de là que nous sont venues toutes les mauvaises nouvelles, les batailles perdues, les réquisitions, les ordres de la commandature ; et je pensai sans m’arrêter :

« Qu’est-ce qu’il y a encore ? »

Alors, comme je traversais la place en courant, le forgeron Wachter, qui était là avec son apprenti en train de lire l’affiche, me cria :

« Ne te dépêche pas tant, petit ; tu y arriveras toujours assez tôt à ton école ! »

Je crus qu’il se moquait de moi, et j’entrai tout essoufflé dans la petite cour de M. Hamel.

D’ordinaire, au commencement de la classe, il se faisait un grand tapage qu’on entendait jusque dans la rue : les pupitres ouverts, fermés, les leçons qu’on répétait très haut, tous ensemble, en se bouchant les oreilles pour mieux apprendre, et la grosse règle du maître qui tapait sur les tables :

« Un peu de silence ! »

Je comptais sur tout ce train pour gagner mon banc sans être vu ; mais, justement, ce jour-là, tout était tranquille, comme un matin de dimanche. Par la fenêtre ouverte, je voyais mes camarades déjà rangés à leurs places, et M. Hamel, qui passait et repassait avec la terrible règle en fer sous le bras. Il fallut ouvrir la porte et entrer au milieu de ce grand calme. Vous pensez, si j’étais rouge et si j’avais peur !

Eh bien, non ! M Hamel me regarda sans colère et me dit très doucement :

« Va vite à ta place, mon petit Franz ; nous allions commencer sans toi. »

J’enjambai le banc et je m’assis tout de suite à mon pupitre. Alors seulement, un peu remis de ma frayeur, je remarquai que notre maître avait sa belle redingote verte, son jabot plissé fin et la calotte de soie noire brodée qu’il ne mettait que les jours d’inspection ou de distribution de prix. Du reste, toute la classe avait quelque chose d’extraordinaire et de solennel. Mais ce qui me surprit le plus, ce fut de voir au fond de la salle, sur les bancs qui restaient vides d’habitude, des gens du village assis et silencieux comme nous : le vieux Hauser avec son tricorne, l’ancien maire, l’ancien facteur, et puis d’autres personnes encore. Tout ce monde-là paraissait triste ; et Hauser avait apporté un vieil abécédaire mangé aux bords, qu’il tenait grand ouvert sur ses genoux, avec ses grosses lunettes posées en travers des pages.

Pendant que je m’étonnais de tout cela, M. Hamel était monté dans sa chaire, et de la même voix douce et grave dont il m’avait reçu, il nous dit :

« Mes enfants, c’est la dernière fois que je vous fais la classe. L’ordre est venu de Berlin de ne plus enseigner que l’allemand dans les écoles de l’Alsace et de la Lorraine… Le nouveau maître arrive demain. Aujourd’hui, c’est votre dernière leçon de français. Je vous prie d’être bien attentifs. »

Ces quelques paroles me bouleversèrent. Ah ! les misérables, voilà ce qu’ils avaient affiché à la mairie.

Ma dernière leçon de français !…

Et moi qui savais à peine écrire ! Je n’apprendrais donc jamais ! Il faudrait donc en rester là ! Comme je m’en voulais maintenant du temps perdu, des classes manquées à courir les nids ou à faire des glissades sur la Saar ! Mes livres que tout à l’heure encore je trouvais si ennuyeux, si lourds à porter, ma grammaire, mon histoire sainte, me semblaient à présent de vieux amis qui me feraient beaucoup de peine à quitter. C’est comme M. Hamel. L’idée qu’il allait partir, que je ne le verrais plus, me faisait oublier les punitions, les coups de règle.

Pauvre homme !

C’est en l’honneur de cette dernière classe qu’il avait mis ses beaux habits du dimanche, et, maintenant, je comprenais pourquoi ces vieux du village étaient venus s’asseoir au bout de la salle. Cela semblait dire qu’ils regrettaient de ne pas y être venus plus souvent, à cette école. C’était aussi comme une façon de remercier notre maître de ses quarante ans de bons services, et de rendre leurs devoirs à la patrie qui s’en allait…

J’en étais là de mes réflexions, quand j’entendis appeler mon nom. C’était mon tour de réciter. Que n’aurais-je pas donné pour pouvoir dire tout au long cette fameuse règle des participes, bien haut, bien clair, sans une faute ! mais je m’embrouillai aux premiers mots, et je restai debout à me balancer dans mon banc, le cœur gros, sans oser lever la tête. J’entendais M. Hamel qui me parlait :

« Je ne te gronderai pas, mon petit Franz, tu dois être assez puni… Voilà ce que c’est. Tous les jours on se dit : Bah ! j’ai bien le temps. J’apprendrai demain. Et puis tu vois ce qui arrive… Ah ! ç’a été le grand malheur de notre Alsace de toujours remettre son instruction à demain. Maintenant ces gens-là sont en droit de nous dire : Comment ! Vous prétendiez être Français, et vous ne savez ni parler ni écrire votre langue !… Dans tout ça, mon pauvre Franz, ce n’est pas encore toi le plus coupable. Nous avons tous notre bonne part de reproches à nous faire.

« Vos parents n’ont pas assez tenu à vous voir instruits. Ils aimaient mieux vous envoyer travailler à la terre ou aux filatures pour avoir quelques sous de plus. Moi-même, n’ai-je rien à me reprocher ? Est-ce que je ne vous ai pas souvent fait arroser mon jardin au lieu de travailler ? Et quand je voulais aller pêcher des truites, est-ce que je me gênais pour vous donner congé ?… »

Alors, d’une chose à l’autre, M. Hamel se mit à nous parler de la langue française, disant que c’était la plus belle langue du monde, la plus claire, la plus solide : qu’il fallait la garder entre nous et ne jamais l’oublier, parce que, quand un peuple tombe esclave, tant qu’il tient bien sa langue, c’est comme s’il tenait la clef de sa prison[1]… Puis il prit une grammaire et nous lut notre leçon. J’étais étonné de voir comme je comprenais. Tout ce qu’il disait me semblait facile, facile. Je crois aussi que je n’avais jamais si bien écouté, et que lui, non plus, n’avait jamais mis autant de patience à ses explications. On aurait dit qu’avant de s’en aller le pauvre homme voulait nous donner tout son savoir, nous le faire entrer dans la tête d’un seul coup.

La leçon finie, on passa à l’écriture. Pour ce jour-là, M. Hamel nous avait préparé des exemples tout neufs, sur lesquels était écrit en belle ronde : France, Alsace, France, Alsace. Cela faisait comme des petits drapeaux qui flottaient tout autour de la classe, pendus à la tringle de nos pupitres. Il fallait voir comme chacun s’appliquait, et quel silence ! On n’entendait rien que le grincement des plumes sur le papier. Un moment des hannetons entrèrent ; mais personne n’y fit attention, pas même les tout petits qui s’appliquaient à tracer leurs bâtons, avec un cœur, une conscience, comme si cela encore était du français… Sur la toiture de l’école, des pigeons roucoulaient tout bas, et je me disais en les écoutant :

« Est-ce qu’on ne va pas les obliger à chanter en allemand, eux aussi ? »

De temps en temps, quand je levais les yeux de dessus ma page, je voyais M. Hamel immobile dans sa chaire et fixant les objets autour de lui, comme s’il avait voulu emporter dans son regard toute sa petite maison d’école… Pensez ! depuis quarante ans, il était là, à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille. Seulement les bancs, les pupitres s’étaient polis, frottés par l’usage ; les noyers de la cour avaient grandi, et le houblon qu’il avait planté lui-même enguirlandait maintenant les fenêtres jusqu’au toit. Quel crève-cœur ça devait être pour ce pauvre homme de quitter toutes ces choses, et d’entendre sa sœur qui allait, venait, dans la chambre au-dessus, en train de fermer leurs malles ! car ils devaient partir le lendemain, s’en aller du pays pour toujours.

Tout de même, il eut le courage de nous faire la classe jusqu’au bout. Après l’écriture, nous eûmes la leçon d’histoire ; ensuite les petits chantèrent tous ensemble le ba be bi bo bu. Là-bas, au fond de la salle, le vieux Hauser avait mis ses lunettes, et, tenant son abécédaire à deux mains, il épelait les lettres avec eux. On voyait qu’il s’appliquait, lui aussi ; sa voix tremblait d’émotion, et c’était si drôle de l’entendre, que nous avions tous envie de rire et de pleurer. Ah ! je m’en souviendrai de cette dernière classe…

Tout à coup l’horloge de l’église sonna midi, puis l’Angelus. Au même moment, les trompettes des Prussiens qui revenaient de l’exercice éclatèrent sous nos fenêtres… M. Hamel se leva tout pâle, dans sa chaire. Jamais il ne m’avait paru si grand.

« Mes amis, dit-il, mes amis, je… je… »

Mais quelque chose l’étouffait. Il ne pouvait pas achever sa phrase.

Alors il se tourna vers le tableau, prit un morceau de craie et, en appuyant de toutes ses forces, il écrivit aussi gros qu’il put :

« VIVE LA FRANCE ! »

Puis il resta là, la tête appuyée au mur, et, sans parler, avec sa main, il nous faisait signe :

« C’est fini… allez-vous-en. »

2. 汉语版

這一天早晨,我上學去,時候已很遲了,心中很怕先生要罵。況且昨天漢麥先生說過,今天他要考我們的動靜詞文法,我卻一個字都不記得了。我想到這裡,格外害怕,心想還是翹課去玩一天罷。你看天氣如此清明溫暖。那邊竹籬上,兩個小鳥兒唱得怪好聽。野外田裡,普魯士的兵士正在操演。我看了幾乎把動靜詞的文法都丟在腦後了。幸虧我膽子還小,不敢真個翹課,趕緊跑上學去。

我走到市政廳前,看見那邊圍了一大群的人,在那裡讀牆上的告示,我心裡暗想,這兩個,我們的壞消息,敗仗哪,賠款哪,都在這裡傳來。今天又不知有什麼壞新聞了。我也無心去打聽,一口氣跑到漢麥先生的學堂。

平日學堂剛上課的時候,總有很大的響聲,開抽屜關抽屜的聲音,先生鐵戒尺的聲音,種種響聲,街上也常聽得見。我本意還想趁這一陣亂響的裡面混了進去。不料今天我走到的時候,裡面靜悄悄地一點聲音都沒有。我朝視窗一瞧,只見同班的學生都坐好了,漢麥先生拿著他那塊鐵戒盡,踱來踱去。我沒法,只好硬著頭皮,推門進去,臉上怪難為情的。幸虧先生還沒有說什麼,他瞧見我,但說孩子快坐好,我們已要開講,不等你了。我一跳跳上了我的座位,心還是拍拍的跳。坐定了,定睛一看,才看出先生今天穿了一件很好看的暗綠袍子,挺硬的襯衫,小小的絲帽。這種衣服,除了行禮給獎的日子,他從不輕易穿起的。更可怪的,後邊那幾排空椅子上,也坐滿了人,這邊是前任的縣官,和郵政局長,那邊是赫叟那老頭子。還有幾位,我卻不認得了。這些人為什麼來呢?赫叟那老頭子,帶了一本初級文法書攤在膝頭上。他那副闊邊眼鏡,也放在書上,兩眼睜睜的望著先生。

我看這些人臉上都很愁的,心中正在驚疑,只見先生上了座位,端端敬敬的開口道:「我的孩子們,這是我最末了的一課書了。昨天柏林(普國京城)有令下來說,阿色司和娜戀兩省,現在既已割歸普國,從此以後,這兩省的學堂只可教授德國文字,不許再教法文了。你們的德文先生明天就到,今天是你們最末了一天的法文功課了。」

我聽了先生這幾句話,就象受了雷打一般。我這時才明白,剛才市政廳牆上的告示,原來是這麼一回事。這就是我最末了一天的法文功課了!我的法文才該打呢。我還沒學作法文呢。我難道就不能再學法文了?唉,我這兩年為什麼不肯好好的讀書?為什麼卻去捉鴿子打木球呢?我從前最討厭的文法書歷史書,今天都變了我的好朋友了。還有那漢麥先生也要走了。我真有點捨不得他。他從前那副鐵板板的面孔,厚沉沉的戒尺,我都忘記了。只是可憐他。原來他因為這是末了一天的功課,才穿上那身禮服。原來後面空椅子上那些人,也是捨不得他的。我想他們心中也在懊悔從前不曾好好學些法文,不曾多讀些法文的書。咳,可憐的很!……

我正在癡想,忽聽先生叫我的名字,問我動靜詞的變法。我站起來,第一個字就回錯了,我那時真羞愧無地,兩手撐住桌子,低了頭不敢抬起來。只聽得先生說道:「孩子,我也不怪你。你自己總夠受了。天天你們自己騙自己說,這算什麼?讀書的時候多著呢。明天再用功還怕來不及嗎?如今呢?你們自己想想看,你總算是一個法國人,連法國的語言文字都不知道,……」先生說到這裡,索性演說起來了。他說我們法國的文字怎麼好,說是天下最美最明白最合論理的文字。他說我們應該保存法文,千萬不要忘記了。他們:「現在我們總算是為人奴隸了。如果我們不忘我們祖國的言語文字,我們還有翻身的日子。」

先生說完了,翻開書,講今天的文法課。說也奇怪,我今天忽變聰明了。先生講的,我句句都懂得。先生也用心細廛,就象他恨不得把一生的學問今天都傳給我們。文法講完了,接著就是習字。今天習字的本子也換了,先生自己寫的好字,寫著「法蘭西」「阿色司」「法蘭西」「阿色司」四個大字,放在桌上,就象一面小小的國旗。

同班的人個人都用心寫字,一點聲息都沒有,但聽得筆尖在紙上颼颼的響。我一面寫字,一面偷偷的抬頭瞧瞧先生。只見他端坐在上面,動也不動一動,兩眼瞧瞧屋子這邊,又瞧瞧那邊。我心中怪難過,暗想先生在此住了四十年了,他的園子就在學堂門外,這些檯子凳子都是四十年的舊物。他手裡種的胡桃樹也長大了。窗子上的朱藤也爬上屋頂了。如今他這一把年紀,明天就要離去此地了。我仿佛聽見樓上有人走動,想是先生的老妹子在那邊收拾箱籠。我心中真替他難受。先生卻能硬著心腸,把一天功課,一一做去,寫完了字,又教了一課歷史。歷史完了,便是那班幼稚生的拼音。坐在後面的赫叟那老頭兒,戴上了眼鏡,也跟著他們拼那ba,be,bi,bo,bu(巴,卑,比,波,布)。我聽他的聲音都哽咽住了,很象哭聲。我聽了又好笑,又要替他哭。

這一回事,這末了一天的功課,我一輩子也不會忘記的。

忽然禮拜堂的鐘敲了十二響,遠遠地聽得喇叭聲,普魯士的兵操演回來,踏踏踏踏的走過我人的學堂。漢麥先生立起身來,面色都變了,開口道:「我的朋友們,我……我……」先生的喉嚨哽住了,不能再說下去。他走下座,取了一條粉筆,在黑板上用力寫了三個大字:「法蘭西萬歲。」他回過頭來,擺一擺手,好象說,散學了,你們去罷。

 

Commentaire